ENTREVUE | Jessica Leblanc

Par Culture pour tous - Illustration ©Youloune
Jessica Leblanc TIESS
Jessica Leblanc, chargée de projet au TIESS (Territoire innovant en économie sociale et solidaire), partage avec nous son expertise et sa contribution à la conception de Culturepédia.

 

Parlez-nous du TIESS, de sa mission…

Le TIESS est un organisme de liaison et de transfert en innovation sociale (OLTIS) reconnu par le gouvernement qui fête ses 10 ans cette année. Notre mission est de contribuer au développement territorial par le transfert de connaissances en outillant les organismes d’économie sociale et solidaire. Afin de parvenir à cet objectif, nous avons établi trois mandats. Tout d’abord nous réalisons une veille des innovations sociales, plus particulièrement dans le domaine du développement territorial et de l’économie sociale. Ensuite, nous favorisons une liaison entre différents acteurs, principalement entre des chercheurs et des acteurs de terrain. Enfin, nous transférons nos connaissances à travers la réalisation de projets. Nous documentons à la fois des projets menés par d’autres organisations et des projets propres au TIESS. Grâce à la construction de connaissance de tous ces acteurs, nous développons des connaissances que nous transférons à d’autres organisations en produisant des outils, des documents qui peuvent être présentés sous forme écrite ou vidéo.

 

Quel a été le rôle du TIESS tout au long de l’élaboration de Culturepédia ?

En septembre 2020, nous avons entamé notre travail sur les fiducies de données. Nous avons débuté par une synthèse des connaissances existantes sur le sujet, puis nous avons étudié les pratiques courantes et évalué leur adaptabilité à notre contexte. Ensuite, nous avons dressé un état des lieux de ces pratiques afin de mieux comprendre les opportunités et les défis liés au projet. C’est par le transfert de connaissance, auprès de Culture pour tous, LaCogency et les autres partenaires, que nous avons finalement propulsé l’idéation de Culturepédia.

 

Existe-t-il d’autres fiducies d’utilité sociale appliquées au monde des données ? Si oui, dans quels domaines ?

Si nous considérons le cadre juridique spécifique au Québec, Culturepédia est, à ma connaissance, la seule fiducie de données en place. Toutefois, il existe d’autres partenariats de données qui ont la même intention que Culturepédia, notamment dans le domaine de la santé. Les données de santé étant des données sensibles, il a été nécessaire de mettre en place des organisations chargées de contrôler ces données de citoyens et citoyennes. En Europe, certaines initiatives présentent des intentions similaires à celles de Culturepédia, mais elles n’ont pas la même portée juridique.

 

Pourquoi avoir choisi la FUS dans le cadre de Culturepédia ?

Je crois qu’il était nécessaire de mettre en place une initiative rassembleuse pour le milieu de la culture, qui a connu une transformation numérique majeure dans les dernières années. Comparativement à d’autres domaines, ce milieu est particulièrement actif en matière de projets de mutualisation de données. Une véritable culture de la donnée s’est alors développée dans le secteur culturel, qui a choisi de collaborer plutôt que de rivaliser. Dans ce sens, la création d’une fiducie d’utilité sociale est pertinente car elle agit en tant qu’acteur neutre. Sa mission n’est pas au service d’une organisation mais vise à promouvoir l’intérêt général. Aussi, dans le cas où Culturepédia collecterait des renseignements personnels, la fiducie d’utilité sociale offre des garanties de sécurité intéressantes afin de s’assurer du respect de la vie privée des personnes.

 

Quel a été le plus grand défi pour le TIESS dans le cadre de Culturepédia ?

Ces trois dernières années ont été riches en défis ! Nous avons dû apprendre les rouages de la fiducie de données, comprendre son fonctionnement ainsi que les éléments et les paramètres à prendre en compte. Construire un avion en plein vol est un défi en soi. C’est pourquoi nous voulions lancer un projet pilote. Lorsqu’on travaille sur une initiative existante, comme c’est le cas dans d’autres projets du TIESS, il est possible de l’étudier et d’analyser les faits, tandis que dans le cas de Culturepédia, nous avons découvert les défis à relever au fur et à mesure. Nous avons surtout appris à quel point la fiducie d’utilité sociale n’est pas une solution clés en main, ce qui implique qu’on ne peut pas reproduire des solutions trouvées ailleurs. Il faut sans cesse se questionner et adapter cet outil à l’objectif poursuivi.

 

Quelles ont été les solutions pour surmonter ces défis ?

Je dirais que c’est une question de collaboration avec toutes les organisations et les personnes impliquées dans ce projet. Je pense évidemment à Culture pour tous et LaCogency, mais aussi à nos partenaires du deuxième projet pilote, Montréal en commun et Nord ouvert.
Afin de relever ces défis, nous continuons à réunir des experts en droit, en numérique et autres domaines pour travailler ensemble et partager nos connaissances. Cela demande donc beaucoup d’ouverture et de temps.

 

Jessica Leblanc, vous êtes à présent fiduciaire de Culturepédia à titre personnel. En quoi consiste votre rôle et quelle sera sa durée ?

Mon rôle en tant que fiduciaire est de veiller à ce que l’objectif de Culturepédia se réalise, à ce que tout se déroule dans le respect d’une gouvernance ouverte et éthique et de m’assurer de mener à bien le projet. Culturepédia 1.0 a été créée pour un an. Mon rôle est donc de mener à terme cette expérimentation jusqu’à l’année prochaine, pour qu’il puisse y avoir un Culturepédia 2.0.

 

Quelles sont les prochaines étapes et défis à relever dans le développement de Culturepédia ?

Il est essentiel de faire comprendre l’utilité et la plus-value de cette organisation à l’ensemble du milieu culturel mais également de trouver la meilleure façon de communiquer sur le projet, de le faire connaître auprès des partenaires du milieu et, éventuellement, de partenaires financiers. Comme il s’agit d’un projet qui nécessite des investissements financiers, la communication sera centrale durant l’année à venir, tant pour expliquer le processus que pour mettre en avant les résultats du prototype.

 

Avez-vous d’autres travaux desquels vous voulez faire part au milieu ?

Oui, notamment la création de documentation pour partager les connaissances que nous avons acquises au cours des trois dernières années de travail sur Culturepédia. Nous participons à des projets similaires pour rendre ces informations accessibles à tous. À l’automne, nous allons publier une série de livrables, qui seront en grande partie tirés de cette expérience. Cette documentation sera publique et accessible à quiconque souhaite en savoir plus sur la fiducie de données et son utilisation dans le domaine de la culture et dans d’autres domaines.

 

Le mot de la fin ?

Mon mot de la fin s’adresse à Culture pour tous, à son personnel, leurs conseillers et conseillères et les autres organisations partenaires qui ont accepté d’embarquer dans ce projet. Ils ont appris à une vitesse folle, se sont fait confiance et ont sans cesse relevé les défis qui se sont dressés devant eux. Ils et elles ont de quoi être fiers !

 

 


Pour en apprendre davantage sur les fiducies de données, nous vous invitons à écouter l’épisode de balado avec Jessica Leblanc : La fiducie de données : patrimoine à protéger et gouvernance.